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Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/258

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quatre-vingts pieds. Il arrangea cette corde en bandoulière autour de son corps ; elle le gênait beaucoup, son volume étant énorme ; les nœuds l’empêchaient de former masse, et elle s’écartait à plus de dix-huit pouces du corps. Voilà le grand obstacle, se dit Fabrice.

Cette corde arrangée tant bien que mal, Fabrice prit celle avec laquelle il comptait descendre les trente-cinq pieds qui séparaient sa fenêtre de l’esplanade où était le palais du gouverneur. Mais comme pourtant, quelque enivrées que fussent les sentinelles, il ne pouvait pas descendre exactement sur leurs têtes, il sortit, comme nous l’avons dit, par la seconde fenêtre de sa chambre, celle qui avait jour sur le toit d’une sorte de vaste corps de garde. Par une bizarrerie de malade, dès que le général Fabio Conti avait pu parler il avait fait monter deux cents soldats dans cet ancien corps de garde abandonné depuis un siècle. Il disait qu’après l’avoir empoisonné on voulait l’assassiner dans son lit, et ces deux cents soldats devaient le garder. On peut juger de l’effet que cette mesure imprévue produisit sur le cœur de Clélia : cette fille pieuse sentait fort bien jusqu’à quel point elle trahissait son père, et un père qui venait d’être presque empoisonné dans l’intérêt du prisonnier qu’elle aimait.