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Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/412

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lui apparut sous un nouveau jour. Est-ce que je prétends, se dit-il, pouvoir l’oublier entièrement dès les premiers moments ? cela me serait-il possible ? Il arriva à cette idée : Puis-je être plus malheureux que je ne le suis depuis deux mois ? et si rien ne peut augmenter mon angoisse, pourquoi résister au plaisir de la voir ? Elle a oublié ses serments ; elle est légère : toutes les femmes ne le sont-elles pas ? Mais qui pourrait lui refuser une beauté céleste ? Elle a un regard qui me ravit en extase, tandis que je suis obligé de faire effort sur moi-même pour regarder les femmes qui passent pour les plus belles ! eh bien ! pourquoi ne pas me laisser ravir ? ce sera du moins un moment de répit.

Fabrice avait quelque connaissance des hommes, mais aucune expérience des passions, sans quoi il se fût dit que ce plaisir d’un moment, auquel il allait céder, rendrait inutiles tous les efforts qu’il faisait depuis deux mois pour oublier Clélia.

Cette pauvre femme n’était venue à cette fête que forcée par son mari ; elle voulait du moins se retirer après une demi-heure, sous prétexte de santé, mais le marquis lui déclara que, faire avancer sa voiture pour partir, quand beaucoup de voitures arrivaient encore, serait une chose