Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/68

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fut interrompu par le général Fabio Conti qui venait prendre sa fille pour la conduire à sa voiture ; il y eut là un petit moment de conversation qui ne fut pas dépourvu d’adresse de la part du prélat. Sans parler en aucune façon du nouveau prisonnier, il s’arrangea de façon à ce que le courant du discours pût amener convenablement dans sa bouche certaines maximes morales et politiques ; par exemple : Il y a des moments de crise dans la vie des cours qui décident pour longtemps de l’existence des plus grands personnages ; il y aurait une imprudence notable à changer en haine personnelle l’état d’éloignement politique qui est souvent le résultat fort simple de positions opposées. L’archevêque, se laissant un peu emporter par le profond chagrin que lui causait une arrestation si imprévue, alla jusqu’à dire qu’il fallait assurément conserver les positions dont on jouissait, mais qu’il y aurait une imprudence bien gratuite à s’attirer pour la suite des haines furibondes en se prêtant à de certaines choses que l’on n’oublie point.

Quand le général fut dans son carrosse avec sa fille :

— Ceci peut s’appeler des menaces, lui dit-il… des menaces à un homme de ma sorte ! Il n’y eut pas d’autres paroles