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Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/187

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à-vis la salle des Ursulines. Il serait plaisant, après tout, que ce petit sophiste réussît. C’est bien alors, monsieur, ajouta le général avec la gaieté et la générosité d’un homme de cœur, que, pour peu que le ministre soit votre ennemi et ait besoin d’un bouc émissaire, vous jouerez un joli rôle.

— Je recommencerais mille fois. Quoique la bataille fût perdue, j’ai fait donner mon régiment.

— Vous êtes un brave garçon… Permettez-moi cette locution familière, ajouta bien vite le bon général, craignant d’avoir manqué à la politesse, qui était pour lui comme une langue étrangère apprise tard. Leuwen lui serra la main avec émotion et laissa parler son cœur.

À onze heures, on constata la présence de 948 électeurs. Au moment où un émissaire du général venait lui donner ce chiffre, M. le président Donis voulut forcer toutes les consignes pour pénétrer dans l’appartement, mais n’y réussit pas.

— Recevons-le un instant, dit Leuwen.

— Ah ! que non. Ce pourrait être la base d’une calomnie de la part du préfet, de la part de M. Le Canu, ou de la part de ces pauvres républicains plus fous que méchants. Allez recevoir le digne président, et ne vous laissez pas trahir par votre honnêteté naturelle.