Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/343

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Elle se leva.

— Voilà une idée, dit-elle à son mari, mais elle est pénible pour moi.

— Votre réputation est placée si haut, votre conduite, à vingt-six ans, et avec tant de beauté, a été si pure, a paru à une distance tellement élevée au-dessus de tous les soupçons, même de l’envie qui poursuit mes succès, que vous avez toute liberté de vous permettre, dans les limites de l’honnêteté, et même de l’honneur, tout ce qui peut être utile à notre maison. »

« Le voilà qui parle de ma réputation comme il parlerait des bonnes qualités de son cheval. »

— Ce n’est pas d’hier que le nom de Grandet est en possession de l’estime des honnêtes gens. Nous ne sommes pas nés sous un chou.

« Ah ! Grand Dieu, pensa madame Grandet, il va me parler de son aïeul le capitoul de Toulouse ! »

— Sentez bien, M. le ministre, toute l’étendue de l’engagement que vous allez souscrire ! Il ne convient pas à ma considération d’admettre de changement brusque dans ma société. Si une fois M. Lucien est notre ami intime, tel qu’il aura été pendant les deux premiers mois de notre ministère, tel il faudra qu’il soit pendant deux ans, même dans le cas où M. Leuwen