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Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/357

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de la garde nationale. Eh bien ! comme banquier il gagne de l’argent, comme colonel il est brave. Les deux métiers s’entraident ; comme colonel, il fait avoir de l’avancement dans la Légion d’honneur à certains régents de la Banque de France ou du syndicat des agents de change, qui de temps à autre lui font prêter un million ou deux pendant trente-six heures pour faire une hausse ou une baisse. Mais M. le comte de Vaize exploite la Bourse par son télégraphe, comme M. Grandet par une hausse[1]. Deux ou trois ministres font comme M. de Vaize, et leur maître à tous ne s’en fait pas faute et quelquefois les ruine, comme il est arrivé à ce pauvre Castelfulgens. Mon mari a sur tous ces gens-là l’avantage d’être un très brave colonel. »

Madame Grandet ne croyait pas que le monde s’aperçût de la détestable manie de faire de l’esprit qui possédait son lourd mari ; or, jamais homme n’avait reçu de la nature une imagination plus calme pour tout ce qui n’était pas de l’argent comptant réalisé ou perdu par une cote de change. Tout ce que l’on disait lui semblait toujours, à lui vrai marchand, un bavardage destiné à enjôler un acheteur.

Depuis quatre ou cinq ans que M. Grandet,

  1. Exemple celle du 3 et 4 février 1835.