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Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/261

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savant protégé par un cardinal est ici un animal invulnérable.

Aujourd’hui, venant du Colisée et allant, au hasard, vers le palais Quirinal (Monte Cavallo), j’ai rencontré une jeune fille de dix-huit ans, qui faisait les sept stations, marmottant des prières ; c’est la plus grande beauté, dans le genre de Raphaël, que j’aie vue de ma vie. Je l’ai suivie, mais avec le respect convenable, pendant plus de trois quarts de lieue. — Figure absolument dans le genre de la Madonna alla Seggiola (du palais Pitti). Nous voyons dans la lettre de Raphaël au comte Castiglione[1] que ce grand homme ne faisait guère que des portraits. Me trouvant dans le pays où il a vécu, je rencontre ses têtes dans les rues : rien de plus simple ; cela m’est déjà arrivé à Parme pour le Corrège ; à Bologne, pour les Carrache, etc. J’ai éprouvé aujourd’hui que pour bien sentir la beauté il faut n’avoir absolument aucun projet de séduction sur la femme qu’on admire.

Magnifique fontaine de Monte Cavallo, devant les colosses. Cette fontaine est tout simplement parfaite. J’éprouve cette sen-

  1. Recueil de lettres de grands artistes, publiées par L.-J. Jay, page 18. Cette lettre, datée de Rome, a été écrite peu de temps avant la mort de Raphaël ; car il est question de la Galatée, l’un de ses derniers ouvrages. (Note de Romain Colomb.)