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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/25

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pensées

périr la race de nos grands roués. Le bonheur qu’ils ambitionnaient consistait dans la réunion de deux jouissances à la fois. Le plaisir physique de baiser une jolie femme, le plaisir de vanité de choquer toutes les lois en la baisant, de faire en sûreté à cause de son crédit ce qui ferait pendre son voisin.

On voit que pour que ce genre puisse exister il faut qu’il y ait des lois à violer, et que le plaisir est d’autant plus grand qu’en baisant on court plus de risque. Ce qui fait que la rouerie n’existe pas en Italie où excepté ce qui choque la religion on peut tout faire sans danger.

Il faudra composer mon Chamoucy d’un peu de toutes ces vanités, en évitant de lui donner celles qui tombent, comme la vanité de la naissance, par exemple ; il faudra qu’il l’ait cependant ainsi que toutes les autres. Je m’aperçois que peu à peu je vais en faire un protagoniste de vanité, un Rouget.

Les hommes ont intérêt que les bons cœurs soient éclairés. Charles ne peut faire un crime que par ignorance, tandis que ce n’est que par ignorance que Chamoucy peut faire une belle action.

Le genre de vanité de Chamoucy dépend du degré de bonté que je donnerai à sa tête. Plus il aura d’esprit, plus il cherchera