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Page:Stendhal - Pensées et Impressions, 1905, éd. Bertaut.djvu/58

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PENSÉES


On n’a point généralement une idée juste des sacrifices que font faire les grandes passions. S’il en est des autres comme de l’amour, ceux qui les font ne les sentent pas.

La tristesse lorsqu’on connaît le monde, prouve qu’on a des passions que l’impossibilité de les satisfaire n’a pas encore pu guérir. La tristesse de qui ne connaît pas le monde prouve la lâcheté qui désespère de réussir.

On acquiert un grand esprit, non pas en apprenant beaucoup par cœur, mais en comparant beaucoup les choses qu’on voit ; il faut beaucoup méditer, et, quoiqu’on voie, tâcher d’en savoir la cause.

La marche ordinaire du xixe siècle est que, quand un être puissant et noble rencontre un homme de cœur, il le tue, l’exile, l’emprisonne ou l’humilie tellement que l’autre a la sottise d’en mourir de douleur.