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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/153

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LE ROSE ET LE VERT

— Ah, monsieur de Miossince ! s'écria le jeune homme en ce moment d’une pâleur mortelle, lui qui avait naturellement le teint animé d’une florissante santé de vingt ans. Il succombait sous son bonheur.

— L’unique condition, reprit l’abbé triomphant et appuyant sur chaque mot, serait une parole d’honneur donnée entre mes mains et ainsi conçue : « Tant que je tirerai quelque avantage direct ou indirect de mon mariage avec Mademoiselle M. je me conduirai en bon et fidèle catholique romain et jamais je ne me séparerai de Rome. »

— Hé ! que diable me fait Rome à moi ! s'écria le jeune homme avec impétuosité. Il tenait cette férocité de son père. L’abbé connaissait cette qualité de famille et n'en fut point chagrin. Il fallait un vice de sang pour faire oublier en ce moment au jeune duc la politesse parfaite dont l’abbé de Miossince lui donnait un si beau modèle. Mais le duc venait d’être sublimement heureux, depuis [plus] d’un an peut-être il n'avait pas trouvé un tel moment. Pardon, monsieur, dit-il tout à coup en rougissant et en approchant son cheval de celui de l’abbé, j’ai besoin que vous me donniez votre main. Je réponds par ma brusquerie à l’homme