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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/178

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ROMANS ET NOUVELLES

de me donner un maître avant vingt ans, il faudrait que je fusse enthousiasmée du mérite de ce maître futur et je ne sens rien de pareil pour ce beau jeune homme. Il ressemble au jeune Buhl, dit-elle à sa mère (c’était un sous-caissier favori de son père).

— Ah ! ma chère, tu es injuste. Buhl a l’air d’un lourdaud et celui-ci a l’air tout au plus d’un être que rien n'anime. Au reste il reparaîtra, se laissera revoir, je pense, avant la fin du bal.

C’est ce qui n'arriva pas, le duc était sorti à l’instant où il eut fini de danser avec Mina. Il était fort pensif. « On dit que la première impression est toujours la plus sûre, se disait-il. Hé bien, cette belle dedemoiselle sera une femme impérieuse. » Il éclata de rire tout à coup, se moquant de soi-même. « Et la terre que j’achèterai à Ileilsberg et la tour… »

Le duc n'acheva pas aussi distinctement le reste de sa pensée par respect pour sa mère, mais cette pensée ou plutôt ce sentiment était : « Et j’ai assez de la société des femmes impérieuses. »

Le fait est que la supériorité d’esprit de Mina réunie à sa parfaite indifférence pour toutes choses donnaient à toutes ses déterminations une extrême décision, ce qui lui donnait souvent l’apparence, les gestes et le regard d’une princesse accoutumée à