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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/238

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avec Aniken. Il arriva chez elle extrêmement troublé. Cette nuit, qui était déjà commencée, allait être aussi décisive pour Mina que pour lui ; mais elle était tranquille. À toutes les objections que lui faisait sa raison, elle avait la même réponse : la mort.

— Vous vous taisez, lui dit Mina, mais il est clair qu’il vous arrive quelque chose d’extraordinaire. Vous ne deviez pas me donner le chagrin de vous voir. Mais puisque vous avez tant fait que de venir, je ne veux pas vous quitter de toute la soirée.

Contre l’attente de Mina, Alfred y consentit sans peine. Dans les circonstances décisives, une âme forte répand autour d’elle une sorte de magnanimité qui est le bonheur.

— Je vais faire le sot métier de mari, lui dit enfin Alfred. Je vais me cacher dans mon jardin ; c’est, ce me semble, la façon la moins pénible de sortir du malheur où vient de me plonger une lettre anonyme.

— Il la lui montra.

— Quel droit avez-vous, lui dit Mina, de déshonorermadame de Larçay ? N’êtes-vous pas en état de divorce évident ? Vous l’abandonnez et renoncez au droit de tenir son âme occupée ; vous la laissez barbarement à l’ennui naturel à une femme de trente ans riche et sans le plus petit