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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/248

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ROMANS ET NOUVELLES

sait peur au sien. Elle se figura qu’il regrettait Paris ; elle le conjura à genoux d’y aller passer un mois. Il jura qu’il ne le désirait pas. Sa mélancolie continuait. « Je mets à un grand hasard le bonheur de ma vie, lui dit un jour Mina ; mais la mélancolie où je vous vois est plus forte que mes résolutions. » — Alfred ne comprenait pas trop ce qu’elle voulait dire, mais rien n’égala son ivresse quand, après midi, Mina, lui dit : « Menez-moi à Torre del Greco.»

Elle crut avoir deviné la cause du fond de tristesse qu’elle avait remarqué chez Alfred, depuis qu’elle était toute à lui, car il était parfaitement heureux. Folle de bonheur et d’amour, Mina oublia toutes ses idées. — La mort et mille morts arriveraient demain, se disait-elle, que ce n’est pas trop pour acheter ce qui m’arrive depuis le jour où Alfred s’est battu. — Elle trouvait un bonheur délicieux à faire tout ce que désirait Alfred. Exaltée par ce bonheur, elle n’eut pas la prudence de jeter un voile sur les fortes pensées qui faisaient l’essence de son caractère. Sa manière de chercher le bonheur, non seulement devait paraître singulière à une âme vulgaire, mais encore la choquer. Elle avait eu soin jusque-là de ménager dans M. de Larçay ce qu’elle appelait