Aller au contenu

Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LE ROSE ET LE VERT

gravement à deux pas du général, fronça le sourcil à ce discours qu'il eût été plus discret et diplomatique de ne pas répéter si clairement.

— Voilà un grand philosophe ! s'écria Mina, sans s'apercevoir qu'elle pensait tout haut[1].

Les quinze ou vingt personnes qui formaient cercle autour du général la regardèrent. Le Président de la Chambre prit de l'humeur, le général lui-même parut étonné. Mina fut un peu interdite, mais en un clin d'œil, elle se remit, elle commença par regarder d'un air naturel, mais pas du tout timide, les jeunes filles ses voisines qui, bien moins jolies qu'elle, s'étaient récriées. Puis elle demanda au général, d'une voix très lente, quel était le nom de ce grand philosophe auquel il avait fait venir des chevaux isabelles ?

— Hé, c'est toujours le comte de Claix, et c'est ma foi le seul Français auquel je puisse écrire après dix ans de séjour à Paris. Voyez quelle sensibilité ont ces gens-là ! Ma liaison avec les autres est toujours allée dégringolando après les premiers jours. C'est ce qui nous arrive à tous, nous autres étrangers.

  1. En face le feuillet qui porte ceci et qui est le feuillet 13, Stendhal a écrit : « For me l’action commence à la page 13 du manuscrit ou 7 du book. Nantes, 4 juin. » N.D.L.E.