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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/67

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LE ROSE ET LE VERT

niers grands maîtres de l’Ordre Teutonique. La petite tasse d’argent avec laquelle la jeune femme jouant de la harpe et suivant la troupe des musiciens vient faire la cueillette, ne recevrait pas un seul gutegroschen (pièce de trois sous et demi) si ces musiciens bohémiens avaient l’impertinence de jouer la musique composée par eux. Ce sont toujours des morceaux choisis de Beethoven, de Weber, de Mozart et d’autres auteurs encore plus anciens, tels que Bach ou Haendel[1].

Les cœurs faits pour la musique et l’amour trouvent délicieuses ces harmonies de cor jouées sur une mesure un peu lente. Les cœurs les plus secs : les marchands avares, les vieux juges dévoués à la Cour, les journalistes qui font l’éloge de l’alliance russe n'en sont pas trop choqués. Cette musique est assez éloignée pour qu’absolument parlant, on puisse ne pas l’écouter si l’on n'est pas disposé à la goûter, en un mot cette musique douce et mélancolique n'a rien de l’effronterie d’une chanteuse française conduite par un homme à gants jaunes et venant s'asseoir à côté d’un piano.

  1. Stendhal note en marge : « Ceci me fait 'effet d'une longueur, à la vérité, je suis distrait.Le 5 juin 1837, Nantes.»
    N.D.L.E.