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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/143

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de lui ; il songeait à former de beaux caractères. Le cœur d’un homme fort sûr de son instrument est différent du mien ; il trouve du plaisir dans cette harmonie compliquée qui montre la science du compositeur, et fait paraître l’habileté de l’exécutant. Plaire aux sens ou toucher les cœurs n’est rien pour lui ; mais son plaisir n’en existe pas moins et peut être fort vif. — Pour la musique, j’éprouve des différences, de jour en jour, aussi sensibles qu’un accès de fièvre.

24 juin. — Ce soir, au café de Florian, sur la place Saint-Marc, vers les une heure, il y avait quarante ou cinquante femmes de la haute société. On me conte que, dans une tragédie, au théâtre San Mosè, on voyait un tyran qui présente son épée à son fils, et lui ordonne d’aller tuer sa bru. Ce peuple heureux ne put pas supporter la force de cette touche de clair-obscur ; toute la salle poussa de grands cris, et ordonna au tyran de reprendre l’épée qui était déjà dans les mains de son fils. Ce jeune prince s’avança vers l’orchestre, et eut beaucoup de peine à faire sa paix avec le public, en lui assurant qu’il était loin de partager les sentiments de son père ; il donna sa parole d’honneur, que, si le public voulait lui