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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/150

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la vieille histoire de Tom Jones et de Blifil. Tout homme de génie est fou, et de plus imprudent ; celui-ci a eu la noirceur de prendre une actrice pendant deux mois. S’il n’eût été qu’un sot, on eût à peine remarqué qu’il suivait l’exemple de tous les jeunes gens riches ; mais on sait que M. Murray, libraire, bon calculateur, donne à celui-ci deux guinées pour chaque vers qu’il lui envoie : c’est absolument la contre-partie du comte de Mirabeau. Les féodaux d’avant la Révolution, ne sachant que répondre à l’aigle de Marseille, découvrirent qu’il était un monstre.

Le Provençal s’en moquait ; il paraît que le Breton a pris la chose au tragique ; l’injustice de la société anglaise le rend, dit-on, triste et misanthrope. Grand bien lui fasse ! Si à vingt-huit-ans, quand on a déjà à se reprocher six volumes de beaux vers, on pouvait connaître le monde, il aurait vu que pour l’homme de génie, au xixe siècle, il n’y a pas d’alternative : ou c’est un sot, ou c’est un monstre.

En tous cas, c’est le plus aimable monstre que j’aie jamais vu ; en poésie, en discussions littéraires, il est simple comme un enfant : c’est le contraire d’un académicien. Il parle le grec ancien, le grec moderne, l’arabe. Il apprend ici l’arménien d’un papa arménien qui tra-