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Pensées qui me sont restées
de Venise

Les yeux ont leurs habitudes, qu’ils prennent de la nature des objets qu’ils voient le plus souvent. Ici, l’œil est toujours à cinq pieds des ondes de la mer, et l’aperçoit sans cesse. Quant à la couleur, à Paris tout est pauvre, à Venise tout est brillant : les habits des gondoliers, la couleur de la mer, la pureté du ciel que l’œil aperçoit sans cesse réfléchie dans le brillant des eaux. Le gouvernement encourageant la volupté et éloignant des sciences, le goût des nobles pour avoir de beaux portraits, telles sont les autres causes du caractère de l’école de Venise. Comparez le ciel de l’Entrée d’Henri IV et le ciel des Noces de Cana de Paul Véronèse.

*

Pendant que leurs maris et leurs amants sont à la pêche, les femmes de Malamorio et de Palestrina chantent sur le rivage des vers du Tasse et de l’Arioste ; leurs amants leur répondent du milieu des eaux par une stance.