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Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/255

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malheur à celui qui n’eût pas entendu cet ordre ! Ce fut alors que Napoléon dut sentir le poids de sa noblesse. Quel effet pouvions-nous attendre de proclamations adressées aux cœurs des peuples et commençant par des titres féodaux ? Portraits d’héroïsme. Féroce enthousiasme de la patrie.

Un trait marquant de cette époque (janvier 1814), c’est le ton de la correspondance des ministres, surtout du ministre M[ontalivet][1]. Un sénateur lui mandait-il qu’il n’avait pas cinq cents fusils en état, il écrivait pour toute réponse : « Armez le lycée ; la jeunesse française a entendu la voix de son empereur » ; et autres phrases que le plus impudent journaliste aurait trouvées trop enflées pour une proclamation. Cela était si fort que plusieurs fois nous nous demandâmes : « Mais trahirait-il ? »

Par un dernier trait d’humeur et d’inconséquence qui acheva d’abattre la France et que la postérité aura peine à croire, tant il est voisin de la folie, au moment où l’empereur avait le plus impérieux besoin de faire la cour à son peuple, il se prend de

  1. Stendhal avait écrit le nom en toutes lettres. Il le biffa, ne laissant que l’initiale, et en marge il écrivit : « Ménagement pour le malheur du ministre de l’intérieur Montalivet. »
    N. D. L. É.