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Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/209

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LETTRE XVIII

Salzbourg, le 31 mai 1809.


Nous nous plaignons toujours, mon cher ami, de venir trop tard, de n’avoir plus qu’à admirer des choses passées, de n’être contemporains de rien de grand dans les arts. Mais les grands hommes sont comme les sommets des Alpes : êtes-vous dans la vallée de Chamouny, le mont Blanc lui-même, au milieu des sommets voisins couverts de neige comme lui, ne vous semble qu’une haute montagne ordinaire ; mais quand, de retour à Lausanne, vous le voyez dominer tout ce qui l’entoure ; quand, de plus loin encore, du milieu des plaines de France, lorsque toutes les montagnes ont disparu, vous apercevez toujours à l’horizon cette masse énorme et blanche, vous reconnaissez le colosse de l’ancien monde. Comment avez-vous senti en France tout le génie de Molière, hommes vulgaires que vous êtes ? Uniquement par l’expérience, et en voyant qu’après cent cinquante ans il s’élève