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Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/413

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charmantes petites esquisses de Paul Véronèse, remplies de ce beau ton de couleur dorée qui donne tant de vie à ses grands tableaux : eh bien, j’ai déjà l’espérance de pouvoir me procurer une ou deux ébauches pareilles de ce grand maître, dont les chefs-d’œuvre sont enterrés, avec tant d’autres, dans votre immense Musée. Vous croyez être bien civilisés, et vous avez fait, en les ôtant à l’Italie, un trait de barbares. Vous ne vous êtes pas aperçus, messieurs les voleurs, que vous n’emportiez pas, avec les tableaux, l’atmosphère qui en fait jouir. Vous avez diminué les plaisirs du monde. Tel tableau, qui est solitaire et comme inconnu dans un des coins de votre galerie, faisait ici la gloire et la conversation de toute une ville. Dès que vous arriviez à Milan, on vous parlait du Couronnement d’épines du Titien ; à Bologne, le premier mot de votre valet de place était de vous demander si vous vouliez voir la Sainte Cécile de Raphaël : ce valet de place, lui-même, savait par cœur cinq ou six phrases sur ce chef-d’œuvre.

Je sais bien que ces phrases ennuient l’amateur qui veut juger et sentir par lui-même ; il est souvent importuné des superlatifs italiens ; mais ces superlatifs montrent quel est l’esprit général du pays par rapport aux arts. Ces super-