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Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/99

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que vous vilipendez aujourd’hui ; théorie qui fait naître les beaux-arts de l’ennui[1] : je mettrais à la place de l’ennui la mélancolie, qui suppose tendresse dans l’âme.

L’ennui de nos Français, que les choses de sentiment n’ont jamais rendus ni très-heureux ni très-malheureux, et dont les plus grands chagrins sont des malheurs de vanité, se dissipe par la conversation, où la vanité, qui est leur passion dominante, trouve à chaque instant l’occasion de briller, soit par le fonds de ce qu’on dit, soit par la manière de le dire. La conversation est pour eux un jeu, une mine d’événements. Cette conversation française, telle qu’un étranger peut l’entendre tous les jours au café de Foy et dans les lieux publics, me paraît le commerce armé de deux vanités.

Toute la différence entre le café de Foy et le salon de madame la marquise du Deffand[2], c’est qu’au café de Foy, où se rendent de pauvres rentiers de la petite bourgeoisie, la vanité est basée sur le fonds de ce qu’on dit : chacun raconte à son tour des choses flatteuses qui lui sont arrivées ; celui qui est censé écouter attend avec une impatience assez mal

  1. Ennui d’un homme tendre, toujours mêlé de regrets.
  2. En 1779.