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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/120

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enseignait cet art viril ; de petits fleurets très-légers en proportionnaient l’exercice au sexe et à l’âge. Je n’y avais pas la répugnance que m’inspira de prime-abord le maître à danser[1]. Il y avait là comme un simulacre de combat, je ne sais quel air martial qui ne me déplaisait point. Je ne crois pas que l’usage de la leçon d’armes se soit maintenu. Je serais tentée de le regretter. Bien que l’art de l’escrime n’ait point d’application pratique dans la vie d’une femme, telle que nous la comprenons, l’exercice en est particulièrement favorable au développement de la vigueur et de l’élasticité musculaires, beaucoup trop négligées dans nos éducations féminines, où le système nerveux, seul exercé, prend une prépondérance exclusive, aussi nuisible à la santé du corps qu’à la paix de l’âme.

Les cours de l’abbé Gaultier, que je suivis régulièrement pendant plusieurs hivers, formaient la partie la plus animée et la plus attrayante de mon éducation. Ce riant petit abbé, longtemps émigré en Angleterre, en avait rapporté la méthode de Lancaster, qu’il avait

  1. Encore une ressemblance avec Alfieri qui éprouvait, lui aussi, dans son enfance, une insurmontable aversion pour la danse et pour le maître à danser. « Per natura già lo abborriva, dit il en parlant de la danse, e vi si aggiungeva, per più contrarietà, il maestro francese, de’ con una cert’aria civilmente scortese, e la caricatura perpétua de’ suoi moti e discorsi, mi quadruplicava l’aborrimento innato, cb’era in me per codest’ arte burattinesca. » (Alfieri-Vita, cap. 6.)