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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/122

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vouloir et le parfaire, » aurait-on dit jadis dans notre vieille et bonne langue française ; qu’il tempère heureusement les qualités extrêmes et fait naître une émulation bienveillante qui s’obtient moins aisément dans les relations plus rudes des garçons entre eux, ou dans les rivalités plus malicieuses des jeunes filles entre elles[1]. Assurément, rien n’était plus aimable que nos douces rivalités scolaires de la rue de Grenelle.

Pour ma part, j’attendais le samedi — c’était le jour où l’on s’y rassemblait — avec impatience. Lorsque j’apercevais les statues de la fontaine monumentale vis-à-vis laquelle logeait le bon abbé, quand je montais le roide escalier qui conduisait à ses nids-à-rats, dont le bois de sapin et la serge verte faisaient tout l’ameublement et toute la tenture, mon cœur battait, la rougeur me montait aux joues, avec l’ardeur du bien-dire et l’espoir du triomphe. Ce triomphe, que j’obtenais presque toujours, ou que je partageais avec un jeune garçon de même âge que moi, blond et pâle, modeste et réservé comme je l’étais moi-même, Charles de Croix, n’était ni éclatant ni retentissant. Il consistait en une petite carte imprimée sur laquelle on

  1. Le même effet des écoles mixtes a été observé aux États-Unis d’Amérique. —Voir le Rapport «le M. le professeur Hippeau, envoyé cette année par le gouvernement aux États-Unis pour y étudier les conditions de l’instruction publique. (Note écrite en 1869.)