Aller au contenu

Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner, quand elle ne se crut plus assez forte, des leçons de piano, de solfége, et même d’harmonie, ce qui paraissait étrange aux dames françaises. On sait qu’en France les leçons de piano, considérées comme le complément de toute bonne éducation, n’ont aucunement pour but d’initier une jeune fille au grand art de la musique, mais seulement de faire d’elle une machinale, une insipide exécutante, capable, en attendant le mariage, de divertir pendant une heure l’ennui des soirées de famille, de jouer en mesure, ou à peu près, une contredanse pour faire danser les voisines, à la campagne, d’accompagner au besoin quelque virtuose de sa force, exercée celle-là, aux arpèges de la harpe, ou bien à la romance.

Ma mère, par cela seul qu’elle était Allemande, avait de la musique une autre idée. Elle voulut que j’apprisse la basse chiffrée, le contrepoint, etc. Quand le célèbre Hummel vint à Paris, elle me fit prendre de ses leçons[1]. Hummel m’encouragea beaucoup dans mes études. Il me conseillait de m’essayer à la composition. Je n’y réussis point trop mal ; je trouvais aisément la mélodie ; d’instinct, j’allais à ces modulations enharmoniques par lesquelles se caractérise la musique la

  1. Hummel était maître de chapelle du grand-duc de Saxe-Weimar. Il est question de lui, et avec de grandes louanges, dans les Correspondances et les Entretiens de Goethe.