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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/157

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M. de Blittersdorf ; le syndic de Hambourg, M. Gries ; curieux d’abord, puis charmés de trouver dans une enfant le sérieux d’une intelligence formée. On m’entoura, on me flatta, on me fit la cour. En voyant que des hommes de tant d’esprit préféraient ma conversation à toute autre, ma pauvre petite cervelle entrait en ébullition. Mon frère, qui nous arrivait de Berlin, s’en aperçut. Il en fit apercevoir ma mère ; et ils décidèrent entre eux que, s’il fallait revenir une autre année, on me laisserait à Paris, plutôt que de m’exposer encore une fois à des excitations de l’amour-propre qu’ils jugeaient, avec raison, au moins prématurées. Mais on ne me dit rien de ce complot, et je continuai à m’amuser dans la très-flatteuse et un peu dangereuse compagnie des vieux diplomates du Bundestag.

Un incident de cette vie, étrange pour une enfant, mérite d’être rapporté.

M. de Chateaubriand venait d’être nommé ministre plénipotentiaire de France en Prusse. Il se rendait à Berlin (6 janvier 1821), pour y remplacer M. de Bonnay, et devait, passant par Francfort, s’arrêter un jour chez le comte de Reinhardt[1]. Ma mère, qui désirait de recommander son fils au nouvel

  1. Le comte de Reinhardt, ministre plénipotentiaire de France à la diète germanique, passait pour un très-savant diplomate. Il connaissait son mérite et l’accusait par la plus incroyable raideur que j’aie jamais vue. « Il se tient si droit qu’il passe la perpendiculaire », avait dit de lui M. de Talleyrand.