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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/172

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dans son aspect beaucoup plus de l’orgueil de sa condition d’autrefois que de l’humilité de son état nouveau. L’appropriation aux exigences d’une institution monastique et scolaire n’avait guère plus modifié l’intérieur que l’extérieur de l’hôtel Biron. Les classes et les parloirs du rez-de-chaussée, l’escalier monumental, les dortoirs du premier étage conservaient l’or donnance et les nobles proportions de leur destination première. Les glaces ôtées ou voilées, le crucifix suspendu aux rinceaux dorés des salons avertissaient, à la vérité, qu’on était dans un lieu de pénitence ; mais l’impression qu’on recevait en y entrant, l’air qu’on y respirait, libre et sonore, n’inclinaient le cœur ni à la servitude volontaire ni à la modestie des vertus chrétiennes. Les religieuses, non plus, sous leur voile noir, avec leur croix d’argent sur la poitrine et leur long rosaire au côté, ne se piquaient pas d’oublier leur origine. La plupart étaient d’ancienne maison, quelques-unes d’un sang illustre. Elles ne prenaient leurs élèves, à de rares exceptions près, que dans les familles nobles de la cour ou de la province ; et, sans qu’il fût précisément question de différence de rang ou de supériorité de race dans l’éducation qu’elles donnaient, le ton général en était au plus haut point aristocratique. Ce ton ne me déplaisait pas. Bientôt aussi, malgré l’indifférence religieuse où j’avais été élevée dans la maison maternelle, je me laissai aller