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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/177

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nomie, l’esprit de communauté avaient part peut-être également à la désespérante monotonie de nos repas. Je vois d’ici les vastes tourtes à la viande qui paraissaient invariablement sur notre table le jeudi, et qui se faisaient à la veille des jours maigres, pour utiliser, en les hachant menu ensemble, jusqu’aux derniers restes des viandes qu’on nous avait servies durant la semaine. Je crois sentir à mes lèvres la saveur brûlée d’un clair chocolat, préparé, pour notre déjeûner du dimanche, et, selon le même principe, d’un mélange indescriptible des chocolats de toutes qualités, de tous prix, de toutes saveurs, vanille, canelle, salep, fleur d’oranger, etc…, que les parents envoyaient, chacun selon ses moyens ou ses goûts, à leurs enfants. C’était bien le plus indigeste breuvage et le plus déplaisant du monde. Mais ce qui, bien plus encore que la mauvaise cuisine des religieuses, répugnait à mes instincts délicats, c’était leur peu de souci de la propreté personnelle. Nos classes et nos dortoirs étaient bien tenus, balayés et frottés suffisamment ; quant à nos personnes, il n’en allait pas de même.

Une idée d’indécence s’attachant pour les religieuses au corps humain, il faut en détourner les yeux et la pensée autant que le permet l’infirmité de notre nature déchue. On ne prenait de bains au Sacré-Cœur que par ordonnance du médecin, en cas de maladie. On avait chaque matin dix minutes pour se débarbouil-