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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/186

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fille de la duchesse d’Estissac, entrait au pensionnat. Jolie, coquette, enivrée de succès et de plaisirs, Fanny venait, comme moi, au couvent pour un temps très-court et pour y faire sa première communion très-retardée — elle avait quinze ans. — Elle ne cachait pas son dépit et soupirait tout haut de sa captivité. D’inclination dévote, elle n’en avait aucune et le laissait voir. Ignorante, mais très à l’aise dans son ignorance et ne souhaitant pas d’en sortir, elle s’asseyait sans honte au dernier bout de la classe, l’esprit ailleurs, l’imagination hantée de bals, de gentils cavaliers, de beaux ajustements et de galants propos. La parité des situations plus que la ressemblance des caractères, les souvenirs du monde où nous avions vécu toutes deux, les mêmes habitudes, les mêmes perspectives de vie parisienne et aristocratique nous eurent bientôt liées. Les religieuses favorisèrent le, penchant que Fanny avait pour moi. Elles espéraient que ma piété se communiquerait à elle par une heureuse contagion. Puis, voyant que cela tardait, elles voulurent m’y employer plus activement. La chose était d’importance.

La supérieure de la communauté, madame Barat, femme de grande autorité et qui se laissait peu voir, me fit mander auprès d’elle. Elle me donna, de sa voix sévère, de discrètes et chrétiennes louanges. Elle vanta ma sagesse, ma foi sincère. Elle parut surprise