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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/258

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qui venait de rompre. Ce lieu était réputé sauvage, on y associait, comme si l’on fût encore aux temps des ménestrels, des images de guets-apens, d’assassinats.

Inaccessible à la petite bourgeoisie pédestre et aux gens de métier, à cause de son extrême distance, il appartenait exclusivement à l’aristocratie, mais à l’aristocratie malade, envieillie, endolorie, qui s’en venait traîner ses maux et ses ennuis dans ce pitoyable désert.

Aujourd’hui — 1868 —, comme par le sifflet du machiniste, tout est changé. Le bois s’est rapproché, s’est ouvert de toutes parts en d’agréables accès. Il a jeté bas ses murailles grises ; il a doré ses grilles et logé ses gardiens en de plaisants pavillons. Par de secrets artifices, il a étendu ses horizons ; le Mont-Valérien, la Muette, les collines de Meudon, le cours du fleuve, des cascades, des lacs, de vastes pelouses semées de corbeilles de fleurs, des villas, des chalets, des fabriques de toutes sortes, varient à chaque pas le décor. Des gondoles sur les lacs, des cafés dans les chalets, des courses sur le turf, des revues sur les pelouses, des jeux, des concerts y attirent perpétuellement la foule des désœuvrés. Dans les allées élargies, bien sablées, bien arrosées, autour des grands lacs, se croisent, aux heures de la fashion, quatre ou cinq rangs d’équipages : phaétons, victorias, calèches, paniers, huit-ressorts. Les dames du high-life, comme un les ap-