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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/275

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quand même, toutes les coteries de l’ultra-royalisme s’y donnaient la main[1].

La vieille aristocratie de la cour, de la ville, de la province, qui faisait le fond de cette noble compagnie, admettait bien dans ses salons, par haute faveur, quelques hommes récents, mais seulement ceux qu’un grand zèle, de grands talents ou des circonstances heureuses, avaient mis à même de servir efficacement la cause des Bourbons, et toujours avec une nuance d’accueil. Les habitudes de ce monde par excellence, qui ne voulait connaître et compter que lui seul dans la nation, étaient d’une régularité parfaite : six mois dans les châteaux, six mois à Paris ; le bal en carnaval, le concert et le sermon en carême, les mariages après Pâques ; le théâtre fort peu, le voyage jamais[2], les cartes à jouer en tout temps, tel était l’ordre invariable des occupations et des plaisirs. Tout le monde, comme on disait alors, en parlant de soi et des siens, faisait comme tout le monde. Mais tout le monde, il faut le dire, s’accordait dans une manière d’être aussi simple qu’elle était noble. Tout avait grand air et bonne façon dans ces châteaux antiques, dans ces vieux

  1. Les lecteurs qui ne se rappelleraient pas le sens de ces dénominations en trouveront l’impression très-vive dans le volume de Polémique des Œuvres complètes de Chateaubriand.
  2. On avait encore un peu l’opinion de madame de Sévigné, lorsqu’elle écrit à sa fille : « Une femme ne doit point remuer ses os, à moins que d’être ambassadrice. »