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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/301

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flots. Mais elle n’y prenait pas garde, et se divertissait avec ses dames, devant ce public curieux, à maintes espiègleries d’enfant.

Le jour de l’ouverture de la saison, au premier bain, l’étiquette voulait — qui l’avait établie ? je l’ignore — que l’on tirât le canon au moment où la princesse entrait dans la mer, et que le médecin inspecteur y accompagnât l’Altesse Royale. Le docteur Mourgué — il se nommait ainsi, si j’ai bonne mémoire — gardait, pour cette grande occasion, son plus bel habit de ville, avec un pantalon neuf; il offrait à la princesse sa main droite gantée de blanc, comme pour le bal: c’était à mourir de rire. Ce premier jour passé, la princesse reprenait sa liberté ; elle se baignait à sa mode et comme une simple mortelle, accostant ses voisines, les mettant de la partie. Cette partie consistait principalement en aspersions, en douches de toute espèce, que la petite main folâtre de l’Altesse infligeait de droite et de gauche, par surprise, à tout ce qui passait à sa portée. Elle exigeait qu’on le lui rendit. Attaques et ripostes, cela faisait tout un petit tapage maritime et de pensionnaires en vacances qui lui donnait du plaisir. Le baigneur de la princesse étant aussi le mien, j’avais plus souvent que d’autres l’honneur du bain royal. Jeune, blonde et blanche comme Marie-Caroline, comme elle hardie au jeu des lames et timide à l’entretien, point mariée,