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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/323

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Alfred de Vigny, qui appartenait de naissance au faubourg Saint-Germain, et qui faisait partie de la maison militaire du roi, commençait aussi à se faire un renom de poète. Je parlerai d’eux plus tard, n’ayant connu du troisième, au bal, où il était souvent mon cavalier, que ses distractions à la contredanse.

Quant à mademoiselle Delphine Gay, que je vis pour la première fois vers cette même époque, ce fut, à mes yeux ravis, un éblouissement. Dans l’année 1822, Delphine Gay avait fait, au faubourg Saint-Germain, une entrée brillante. Couronnée par l’Académie française, pour des stances où elle avait célébré le dévouement des sœurs de Sainte-Camille, la jeune muse s’était vue tout aussi tôt l’objet d’un grand empressement de la part de toutes les femmes qui se piquaient d’esprit et de belles-lettres. La comtesse de Custine, la duchesse de Narbonne, la duchesse de Duras, la duchesse de Maillé, etc., l’avaient, à l’envi, caressée, choyée, vantée, protégée. Madame Récamier l’avait mise sous l’invocation du Génie du Christianisme. En retour de tant de faveurs, la jeune fille écrivait des vers dans les albums et déclamait dans les salons de ses illustres marraines. Elle leur dédiait ses chants. Elle célébrait la noire et triste Ourika ; elle disait, en présence du vieux René, la Confession d’Amélie.

    « Vous êtes comme Louis XIV, lui dit l’auteur de Ninus, vous voulez nous faire légitimer vos bâtards. »