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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/325

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l’accent, la rime Gloire et Victoire ; le turban aussi, le turban des mamelouks, avec la harpe d’Ossian, où l’on chantait le refrain du beau Dunois : tout un air d’état-major, une poussière d’escadron, un éclair de sabre au soleil : quelque chose d’inouï et d’indescriptible !

Femme d’un receveur général, madame Gay avait eu un salon vers la fin du Directoire ; sa beauté hardie, son esprit et ses romans lui avaient fait un nom. Accoutumée au bruit, lorsque vint la mauvaise fortune, elle ne voulut point rentrer dans le silence. Tout en elle était sonore, ses amours, ses amitiés, ses haines, ses défauts, ses vertus, car elle en avait : sa maternité le fut plus que tout le reste.

Sa fille, dès qu’elle la vit belle, dès qu’elle put deviner son génie, lui fut une occasion, un prétexte, une espérance, et bientôt une certitude exaltée de ramener à son foyer l’éclat. La production de la petite merveille, la mise en scène de ses talents précoces occupa et passionna les ambitions ranimées de madame Gay. Elle rêva de lauriers, de chars poudreux dans l’arène, de princes subjugués, d’époux illustres : souverains ou tout au moins grands hommes ; à la candide enfant que visitait la muse immortelle, elle enseigna l’art des salons, l’ode de circonstance, la strophe catholique et royaliste. Elle la voulut toujours à ses côtés dans les occasions fastueuses, déclamant ou déclamée, au tom-