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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/38

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blanchis. Mais, loin de le vieillir, cette neige brillante, tombée en pleine jeunesse sur sa tête blonde, éclairait son beau front d’un plus vif éclat. Sa taille était haute, son air noble ; et dans tout son aspect on n’aurait su dire ce qui l’emportait de la force ou de la grâce. Son visage formait un ovale parfait. Ses yeux bleus, à fleur de tête, et son sourire avaient une expression charmante de douceur et de finesse enjouée. Ses sourcils bien arqués, son nez légèrement aquilin, son teint d’une délicatesse singulière, achevaient en lui la beauté et le don qu’il avait de plaire à tous. — Les enfants sont sensibles aux grâces physiques beaucoup plus et beaucoup plus tôt qu’on ne le pense. Je ne me lassais pas de regarder mon père, et, quand un étranger remarquait que nous nous ressemblions, j’en avais de la joie pour tout le jour.

De leur union, formée par l’inclination, il était né à mes parents trois enfants : deux fils et une fille. Ma mère avait eu de son premier mari une fille, Auguste Bussmann, que je connus plus tard, et dont je dirai en son lieu la fin tragique. Elle perdit mon frère aîné — il se nommait Édouard — avant ma naissance. Elle me parlait de lui souvent comme d’un être très-doué, d’une rare précocité de cœur et d’esprit. Quant à mon frère Maurice, bien qu’il fût plus âgé que moi de plusieurs années et élevé loin de nous dans les lycées, bien que son caractère fût presque l’opposé du mien,