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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/72

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tant il fait bien voir le milieu, le cercle, la maison où, sept années après, j’étais, moi aussi, transportée par une grande, par une véritable catastrophe. La lettre de Bettina est datée du 7 août 1808. « Ta mère, écrit-elle à Goethe, s’était parée à miracle. Elle portait sur l’édifice de sa coiffure trois plumes d’autruche, une bleue, une rouge, une blanche, les trois couleurs nationales du peuple français, qui se balançaient dans trois directions diverses. Elle était fardée avec art ; ses grands yeux noirs tiraient le canon ; à son cou, s’enroulait la fameuse chaîne d’or, présent de la reine de Prusse ; des dentelles antiques et magnifiques, un vrai trésor de famille, couvraient sa poitrine. De l’une de ses mains, gantée de blanc, elle tenait un éventail considérable avec lequel elle mett’ait l’air en mouvement ; de son autre main, de ses doigts où brillaient des anneaux de pierreries, elle prenait de temps en temps ? a prise dans une tabatière d’or enrichie d’une miniature où tu figures, les cheveux pendants, bouclés et poudrés, la tête pensive, appuyée sur ta main. Dans la chambre à coucher de Moritz von Bethmann, sur le tapis de pourpre où se dessine, dans un médaillon blanc, un léopard, la compagnie des dames âgées et titrées, formait, en grand gala, un demi-cercle imposant. De belles plantes de l’Inde, aux tiges élancées, montaient le long des panneaux vers le plafond. La chambre était éclairée par la lumière mate de lampes