Aller au contenu

Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quai l’étonnement de la Staël à la vue du costume bizarre et du maintien de ta mère, dont l’orgueil s’enflait à vue d’œil.

« De sa main gauche elle étalait les plis de sa robe ; avec la droite elle saluait de l’éventail et s’inclinait à plusieurs reprises d’un air de condescendance. Elle dit bien haut, en français, de manière à être entendue de tout le cercle : Je suis la mère de Goethe. — « Ah ! je suis charmée… dit la femme de lettres », et tout retomba dans un silence solennel. Puis vint la présentation de la suite des gens d’esprit, curieuse, elle aussi, de connaître la mère de Goethe. »

Le goût qu’avait mon oncle pour les arts était partagé par sa sœur aînée, Suzanne Élisabeth, veuve de Jean-Jacques Hollweg qui avait été longtemps associé de la maison Bethmann et qui laissait une fortune considérable. Ma tante Hollweg, die Hollwegin, comme l’appelait sa mère, avait longtemps demeuré en Italie. Elle avait fréquenté à Rome l’atelier de Thorwaldsen, qui fit pour elle des bustes et des bas-reliefs[1]. Elle possédait quelques tableaux, et son ju-

  1. Plusieurs de ces bas-reliefs se voient dans le caveau funéraire de la famille Bethmann au cimetière nouveau de Francfort. L’un d’eux représente les derniers moments du jeune Philippe Hollweg, mort victime de son humanité. S’étant jeté dans les eaux de l’Arno par un très-grand froid pour sauver un enfant qui se noyait, Philippe Hollweg en sortit saisi d’un frisson mortel ; la fièvre ne le quitta plus ; les poumons se prirent ; il expira à la