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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/178

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courage, et sans se laisser abattre ; mais enfin il tomba malade à Marseille, d’où il écrivit à mon oncle Tobie qu’il avoit perdu son temps, ses services, sa santé, et en un mot tout, excepté son épée ; et qu’il attendoit le premier vaisseau pour retourner à lui.

Mon oncle Tobie reçut cette lettre environ six semaines avant l’accident de Suzanne ; de sorte que Lefèvre étoit attendu à toute heure. Il s’étoit présenté à l’esprit de mon oncle Tobie, dès que mon père avoit parlé d’un gouverneur pour moi ; mais, au détail bizarre de toutes les perfections que mon père exigeoit, mon oncle Tobie avoit cru devoir garder le silence, — jusqu’à ce qu’enfin Yorick ayant ramené mon père à des idées plus raisonnables, et mon père étant convenu que mon gouverneur devoit être bon, juste, humain et généreux, l’image et l’intérêt de Lefèvre agirent si puissamment sur mon oncle Tobie, que se levant aussitôt, et quittant sa pipe pour prendre l’autre main de mon père, qui tenoit déjà une des siennes : — « Frère Shandy, s’écria mon oncle Tobie, souffrez que je vous recommande le fils de Lefèvre. — Je me joins au capitaine, dit Yorick. — Je réponds de la bonté de son cœur, dit mon oncle Tobie. — Et moi de sa