Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’histoire des amours de mon oncle Tobie, quinze jours avant leur existence.

— « J’ai à vous dire une nouvelle, monsieur Shandy, dit ma mère, qui vous surprendra beaucoup. »

Or, mon père étoit alors occupé à tenir son second lit de justice, et il réfléchissoit intérieurement sur les fatigues du mariage, quand ma mère rompit le silence. —

« Votre frère Tobie, dit ma mère, épouse mistriss Wadman. » —

« Le pauvre homme ! dit mon père, il n’aura donc plus la liberté de se coucher en travers dans son lit ! « 

C’étoit un supplice cruel pour mon père, de ce que ma mère ne demandoit jamais l’explication des choses qu’elle ne comprenoit pas.

— Qu’elle soit ignorante, disoit mon père, c’est un malheur pour elle. — Mais elle peut faire une question. —

Ma mère n’en faisoit jamais. — Enfin elle est morte sans savoir si la terre tournoit ou ne tournoit pas ; mon père le lui avoit expliqué plus de mille fois : mais elle l’oublioit toujours.

Aussi la conversation alloit rarement plus loin entr’eux qu’une demande, une réponse