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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/283

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Je n’ai rien, dis-je une seconde fois. — C’étoit à-la-fois un mensonge et un acte de dureté. — Je rougis de l’avoir dit. — Mais, pensai-je en moi-même, ces pauvres sont si importuns ! — Celui-là ne le fut pas. — Dieu vous conserve, dit-il ; — et il se retira humblement.

Ho-hé, ho-hé ! — vîte — les chevaux. — C’étoit la berline qui venoit d’arriver. Les postillons coururent. Le bon vieillard et son chien s’approchèrent, n’obtinrent rien, et se retirèrent sans murmure.

Celui qui vient d’avoir un tort, seroit fâché de rencontrer quelqu’un qui, à sa place, ne l’auroit pas eu. Si les voyageurs de la berline eussent donné au pauvre, je crois que j’en aurois senti quelque peine. — Après tout, dis-je, ces gens-là sont plus riches que moi ; et puisque… ; Bon Dieu ! m’écriai-je, leur dureté excuseroit-elle la mienne ?

Cette réflexion me mit mal avec moi-même. — Je cherchai des yeux le pauvre, comme si j’eusse voulu le rappeller. — Il s’étoit assis sur un banc de pierre, son chien vis-à-vis de lui, et la tête appuyée entre les genoux de son maître, qui le flattoit de la main, sans lever les yeux de mon côté.

Sur le même banc je vis un soldat, que