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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/336

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amer ! et le travail rend tous tes jours amers, et bien amère, je crois, est ta récompense ! — Chacun mène la vie qu’il peut ; mais dans la tienne, tout… tout est amertume. — Ta bouche en ce moment doit être amère comme la suie...... (il avoit enfin rejeté sa tige d’artichaut.) Et dans le monde entier, peut-être, tu n’as pas un ami qui te donne un macaron ! » Disant cela, je tirai de ma poche un cornet de macarons que je venois d’acheter, et je lui en donnai un. — Mais en ce moment où je me rappelle cette action, mon cœur me reproche qu’elle partoit plutôt de l’idée plaisante que je me faisois de voir comment un âne s’y prendroit pour manger un macaron, que d’un véritable principe de bienveillance.

Quand l’âne eut mangé son macaron, je le pressai d’entrer. — Le pauvre animal étoit horriblement chargé ; ses jambes sembloient trembler sous lui ; — il résistoit et portoit son poids en arrière. — Je le tirai par son licol, — le licol se cassa dans ma main. — L’âne me regarda d’un air inquiet : — Au nom du ciel ne me frappez pas ! cependant..... si vous le voulez,… vous le pouvez. — « Moi ! te frapper, dis-je, j’aimerois mieux être damné. »