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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/355

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mort bien loin derrière moi, et Dieu, et Dieu tout seul, sait à quelle distance.

« J’ai poursuivi plus d’un homme en France, dit-elle, mais jamais un train si enragé. » Cependant elle me poursuivoit toujours, toujours je la fuyois ; mais je la fuyois gaîment : elle me poursuivoit encore, mais comme celui qui poursuit sa proie sans espérance de l’atteindre. Elle s’amusoit en chemin, et chaque pas quelle perdoit la rendoit plus traitable. « Eh ! pourquoi, m’écriai-je, me presserois-je si fort ? »

Ainsi, malgré ce que m’avoit dit le commis de la poste, je changeai encore une fois mon allure ; et après une course aussi rapide, aussi précipitée que celle que je venois de faire, je pensai avec délices au plaisir que j’allois avoir de traverser les riches plaines du Languedoc, aussi lentement que ma mule voudroit laisser tomber son pied. —

Rien n’est plus agréable pour un voyageur, ni plus fâcheux pour un homme qui écrit son voyage, qu’une plaine vaste et riche, surtout si elle ne présente ni pont ni grande rivière, et si elle n’offre à l’œil que le tableau d’une abondance monotone. — Après nous avoir dit que le pays est superbe, charmant, — que le sol est fertile, et que la nature