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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/464

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comme il étoit naturellement franc et généreux, et toujours ouvert à la conviction, il eut à peine lâché le dernier mot de cette réplique peu obligeante, que sa conscience lui en fit un reproche.

Ma mère avoit en ce moment son bras gauche conjugalement passé dans le bras droit de mon père, de telle sorte que sa main appuyoit sur la sienne. — Elle leva les doigts et les laissa retomber. On auroit pu difficilement prononcer si c’étoit là un coup ou une caresse ; — le casuiste le plus habile auroit été bien embarrassé à décider si ce geste signifioit un reproche ou un aveu. Mon père qui étoit rempli de sensibilité de la tête aux pieds, n’y vit que l’expression d’une femme timide et faussement accusée. — Les reproches de sa conscience redoublèrent ; — il détourna la tête. — Ma mère pensa que son corps alloit suivre, et que son projet étoit de reprendre le chemin de sa maison ; aussitôt en croisant sa jambe droite par-dessus sa gauche qui ne bougea pas, elle se trouva en face de mon père, qui, en ramenant sa tête, rencontra subitement les yeux de ma mère. —

— Nouvelle confusion ! —

Tout détruisoit le premier soupçon qu’il avoit formé. — Tout augmentoit ses remords.