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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/488

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« Je suppose que non, dit ma mère. » —

« Je voudrois, dit mon père en élevant la voix, que la science des fortifications fût à tous les diables, avec toutes leurs fadaises de sapes, de mines, de blindes, de gabions, de cunettes, et de fausses brayes. » —

« Ce sont des fadaises, dit ma mère. »

Or ma mère, tolérante, (comme je voudrois que le fussent certains personnages du clergé, m’en eût-il coûté mon gillet brun et mes pantoufles jaunes) — ma mère, dis-je, étoit toujours de l’avis de mon père, quoique la plupart du temps elle n’en comprît pas un mot, et qu’elle n’eût pas la première idée du sens des mots et des termes de l’art, sur lesquels il faisoit rouler l’opinion ou le système du moment. Elle se contentoit d’accomplir à la lettre les promesses que son parrain et sa marraine avoient faites pour elle, mais rien de plus. Elle se seroit servi d’un mot ou d’un verbe pendant vingt ans, et l’auroit employé dans tous ses temps et dans tous ses modes, sans s’embarrasser le moins du monde d’en demander la signification.

J’ai déjà dit que cette insouciance désoloit mon père ; c’étoit pour lui une source éternelle de chagrins : la contradiction la plus opiniâtre lui auroit été moins sensible. C’étoit