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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/62

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— et reprit ensuite son discours sur la mort, en la manière et la forme qui suit.



CHAPITRE XI.

Trim continue.


« Pour nous, Jonathan, qui ne connoissons ni la peine ni le besoin, — nous qui vivons ici au service des deux meilleurs maîtres, — (j’en excepte seulement pour ma part le roi Guillaume, que j’ai eu l’honneur de servir, tant en Irlande qu’en Flandre), pour nous, dis-je, qu’est-ce que l’intervalle de la Pentecôte à Noël ? C’est bien peu de chose, — ce n’est rien. Mais pour ceux, Jonathan, qui savent ce que c’est que la mort, qui savent quel ravage, quel carnage elle peut faire, avant qu’on ait seulement le temps d’y songer, — c’est comme un siècle entier. — Ô Jonathan ! quel est le bon cœur qui ne saignerait pas, voyant combien de braves gens, qui se tenoient aussi droits et aussi fermes que nous, — (le caporal se redressa), et que la mort a abattus dans cet intervalle qui nous semble si court ? — Et crois-moi, Suzanne, ajouta le caporal en se tournant vers elle, dont les yeux nageoient dans l’eau, — avant