Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noit massivement dans une attitude carrée ; il auroit été aussi bien dans le fond d’un puits. Il étendit en haut très-civilement sa main jusqu’au bras du géant, et lui conta sa peine… L’allemand tourne la tête, jette en bas les yeux sur lui, comme Goliath sur David… et inexorablement se remet dans sa situation.

Je prenois en ce moment une prise de tabac dans la tabatière de corne du bon moine. Ah ! mon bon père Laurent ! comme ton esprit doux et poli, et qui est si bien modelé pour supporter et pour souffrir avec patience… comme il auroit prêté une oreille complaisante aux plaintes de ce pauvre nain !…

Le vieil officier me vit lever les yeux avec émotion en faisant cette apostrophe, et me demanda ce qu’il y avoit. Je lui contai l’histoire en trois mots, en ajoutant que cela étoit inhumain.

Le nain étoit poussé à bout, et dans les premiers transports, qui sont communément déraisonnables, il dit à l’allemand qu’il couperoit sa longue queue avec ses ciseaux. L’allemand le regarda froidement, et lui dit qu’il en étoit le maître, s’il pouvoit y atteindre.

Oh ! quand l’injure est aiguisée par l’insulte, tout homme qui a du sentiment prend le