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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/160

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LE PASSE-PORT.
Versailles.


Rien ne m’embarrasse plus que d’être obligé de dire qui je suis… Je parle plus aisément d’un autre que de moi-même ; et j’ai souvent souhaité de pouvoir le faire en un seul mot, pour avoir plutôt fini. Ce fut le seul moment et la seule occasion dans ma vie où je pus me satisfaire à cet égard. Shakespéar étoit sous mes yeux ; je me souvins que mon nom étoit dans la tragédie d’Hamlet ; je cherchai immédiatement la scène des fossoyeurs, au cinquième acte ; et, posant le doigt sur le nom d’Yorick, je présentai le volume au comte… Me voici, lui dis-je.

Il importe peu de savoir si la réalité de ma personne avoit effacé ou non de l’esprit du comte l’idée du squelette du pauvre Yorick, ou par quelle magie il se trompa de sept ou huit siècles… Les François conçoivent mieux qu’ils ne combinent… Rien ne m’étonne dans ce monde, et encore moins ces espèces de méprises… Je me suis avisé de faire quelques volumes de sermons, bons ou mauvais ; et un de nos évêques, dont je révère d’ailleurs la candeur et la piété, me disoit