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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/162

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LE PASSE-PORT.
Versailles.


Je ne pouvois pas concevoir pourquoi le comte de B… étoit sorti précipitamment, ni pourquoi il avoit mis le volume de Shakespéar dans sa poche… Mais des mystères qui s’expliquent d’eux-mêmes par la suite, ne valent pas le temps que l’on perd à vouloir les pénétrer… il valoit mieux lire Shakespéar… Je pris un des volumes qui restoient, et je tombai sur la pièce intitulée Beaucoup de bruit et de fracas pour rien ; et du fauteuil où j’étois assis, je me transportai sur-le-champ à Messine ; je m’y occupois si fort de dom Pèdre, de Benoît et de Beatrix, que je ne pensois ni à Versailles, ni au comte, ni au passe-port.

Douce flexibilité de l’esprit humain, qui peut aussitôt se livrer à des illusions qui adoucissent les tristes momens de l’attente et de l’ennui !… Il y a long-temps que je n’existerois plus, si je n’avois pas erré dans ces plaines enchantées..... Dès que je trouve un chemin trop rude pour mes pieds, ou trop escarpé pour mes forces, je le quitte