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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/206

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me dit-il, qu’elles sont considérables. Oui, lui dis-je en lui faisant une profonde révérence ; mais vous devriez nous donner le secret de les recueillir.

Il me pria à souper dans sa petite maison. On avoit dit à madame de Q… que j’étois un homme d’esprit… Madame de Q… étoit elle-même une femme d’esprit ; elle brûloit d’impatience de me voir et de m’entendre parler… Je ne fus pas plutôt assis, que je m’aperçus que la moindre de ses inquiétudes étoit de savoir que j’eusse de l’esprit ou non… Il me sembla qu’on ne m’avoit laissé entrer que pour que je susse qu’elle en avoit… Je prends le ciel à témoin que je ne desserrai pas une fois les lèvres.

Madame de Q… assuroit à tout le monde qu’elle n’avoit jamais eu avec qui que ce soit une conversation plus instructive que celle qu’elle avoit eue avec moi.

Il y a trois époques dans l’empire d’une dame d’un certain ton en France… Elle est coquette, puis déiste… et enfin dévote. L’empire subsiste toujours, elle ne fait que changer de sujets. Les esclaves de l’amour se sont-ils envolés à l’apparition de sa trente-cinquième année, ceux de l’incrédulité leur succèdent, viennent ensuite ceux de l’église.