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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/255

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Pour moi, dit Multifarius Secundus, je n’hésiterai pas à la placer à la tête de toutes les autres vertus ; d’autant plus que le Tout-Puissant lui-même n’en exige pas d’autre de nous : elle est la source de toutes celles qui sont nécessaires pour le salut.

Les payens eux-mêmes faisoient un si grand cas de cette vertu, qu’ils avoient imaginé en son honneur trois divinités, sous le nom de grâces, qu’ils nommoient Thalie, Aglaè et Euphrosyne. Ces trois déesses présidoient à la reconnoissance ; on avoit jugé qu’une seule ne suffisoit pas pour honorer une vertu si rare. Il faut observer que les poètes les ont représentées nues, pour faire comprendre que lorsqu’il s’agit de bienfaisance et de reconnoissance, nous devons agir avec la plus grande sincérité, et sans le moindre déguisement. Elles étoient peintes en vestales, et dans la fleur de la jeunesse, pour faire sentir que les bons offices doivent toujours être récens dans notre mémoire, et que notre reconnoissance ne doit jamais s’affoiblir, ou plier sous le poids du temps, et que nous devons chercher toutes les occasions de témoigner combien nous sommes sensibles aux bienfaits que nous avons reçus. On leur donnoit une figure douce et riante pour signifier la joie